Il devrait dormir. Pas qu’il sorte plus que raison mais il sait bien que certaines nuits, il a plus de mal que d’autres à trouver le sommeil. Quand l’astre de la nuit est au plus haut, plus lumineux, c’est des moments comme celui-là où il peut rester les yeux grands ouverts à se poser mille et unes questions. Il ne remarque pas ses propres changements, préfère les ignorer, se dire simplement qu’il est peut-être un peu plus irrité alors qu’il est d’un naturel plutôt calme, plutôt posé. Il ne se pose pas consciemment les bonnes questions et quelque part ce qui l’empêche de dormir c’est ça aussi, ce manque de réponse constant aux questions manquantes qui doivent être posées.

Il devrait le voir. Demain. Il trouvera le temps. Ce n’est pas le bon moment ce soir. S’il se met des œillères quand ça l’arrange, il sait bien que tout est lié à ce qu’il s’est passé ce soir-là, qu’il a rendu tout beaucoup plus compliqué que ça aurait du l’être entre eux. Il l’évite un peu depuis. C’est puéril, il le sait mais même pour des échanges banals du matin, il a du mal à agir de façon impassible, de ne pas laisser ces différentes émotions contradictoires avec cette impression d’être totalement perdu resurgir dans ce lieu où ils soignent les maux, et parfois il en vient à penser que cette psychologie est bien mal faite. Il envie ceux qui peuvent agir de façon droite et juste tout le temps, ceux qui sont fixes dans leurs idées pour ne pas laisser la boisson agir à leur place et vu sa réaction à propos de cette nuit passée dans ses draps, l’alcool n’aura été qu’une amie pour lui donner du courage à ce qu’il se refusait de ressentir pour Wyatt. D’y penser, voilà que ses joues se colorent, qu’il sait qu’il ira faire un tour pour se changer les idées, que le froid l’aidera à repenser les choses pour que demain, il tente un pas vers lui sans se figer avant d’avoir esquissé le geste.

Il aurait du s’y attendre que la journée ne soit pas une réussite. Ils soignent oui, mais cela parle pas mal de ce bal dans les couloirs, patients comme Médicomages même si c’est surtout les patients qui ont ce besoin d’exprimer leur contentement, leur déception. Cela dépend de chacun d’entre eux, de ce caractère qui fait qu’ils sont si différents. Il n’a pas d’avis sur le Ministère. Mensonge, c’est un mensonge qu’il n’a pas à cacher, pas dans sa tête, pas avec ceux qu’il connait bien comme Dahlia qui a accepté de l’accompagner. C’était difficile pour eux d’y aller seuls, pour eux de réaliser ce que le Ministère attendra d’eux lors de cette soirée alors cette façon commune de voir les choses a allégé ses épaules d’un poids supplémentaire. Il craint qu’ils attendent plus d’eux en les voyant arriver ensemble mais au moins, Dahlia et lui sauront qu’ils s’aiment mais d’un amour différent, de ceux qui s’épaulent, se soutiennent peu import les difficultés qui les attendent, un peu comme un frère et une soeur. Il n’a pas hâte de cette soirée mais sait au moins qu’ils pourront l’apprécier pour ce qu’elle est. Juste une soirée sans prétention, sans devoir à accomplir.  

Les heures défilent quand il passe non loin d’un couloir où sa mère se trouve, dans lequel il ne peut pas aller sauf en visite avec un membre de sa famille par manque de confiance, peut-être, parce qu’ils savent bien pourquoi il a choisi de les rejoindre même s’il sait pertinemment que c’est faux, en partie. S’il a envie de les aider, il y a aussi cette envie d’aider les autres, toujours cette façon de voir la médicomagie comme main tendue à n’importe quel d’entre eux qui aurait été touché d’un sortilège beaucoup trop fort pour eux. Il n’y a pourtant pas d’avancement comme les autres jours depuis bien des années maintenant. Le mouvement perpétuel de sainte mangouste le pousse à bouger, à changer de service pour donner un coup de main et bien vite la journée s’achève avec cette impression d’avoir fait avancer les choses malgré la fatigue et les questions qui reviennent quand il le voit partir et qui transplane déjà le laissant comme con qui n’a pas su s’approcher, l’appeler pour qu’il s’arrête, le laisse aller vers lui.

En parler ici n’aurait pas été une bonne idée, le ciel s’assombrit déjà, peut-être que dans cet ailleurs londonien, le temps sera plus clément, puis c’est le lieu aussi, c’est dangereux de retourner chez Wyatt mais l’hôpital sorcier n’est certainement pas le meilleur endroit pour trouver leurs réponses.

Cela faisait deux mois, deux longs mois que Wyatt avait commis l’irréparable, il s’était laissé enivré et avait mordu Abel, pas une petite morsure discrète non, il n’avait que des souvenirs très flous de cette soirée, mais assez clairs pour être sûr d’avoir mordu son collègue de travail, pour qui il ressentait peut-être une certaine attirance, et de l’avoir mordu assez profondément pour faire de lui un semi-lycanthrope. La culpabilité le rongeait et le faisait se retourner dans son lit alors qu’il cherchait désespérément à se rappeler la chronologie de la soirée qui avait mené de Abel frappant à sa porte, aux deux corps enlacés dans un lit avec les dents du lycanthrope profondément plantées dans l’épaule du sorcier, et cela ne lui apportait que des souvenirs encore plus flous où tout se mélangeait.

Depuis ce triste évènement, Wyatt évitait Abel comme la peste, et le plus jeune le lui rendait bien.  Alors qu’ils étaient presque amis et échangeait régulièrement lors des petits briefings-café du matin et s’adressaient des petits sourire lorsqu’ils se croisaient dans les couloirs où dans l’ascenseur, leur relation en était maintenant rendue au silence total. Wyatt savait qu’abandonner ainsi un jeune mordu n’était pas la solution, lui qui avait été par le passé si protecteur envers Abel, tentant même de le protéger de ses choix professionnels qui étaient pourtant parfaitement justifiables, se mettant même le membre de la famille Fawley à dos l’avait complément laissé tomber. Et pourtant il savait que le plus jeune devait être perdu face à ce qu’il vivait, et qu’il avait besoin de quelqu’un pour le soutenir, quelqu’un qui était capable de comprendre ce qu’il vivait, de comprendre l’influence que la lune avait sur lui, de comprendre son changement de régime alimentaire, mais il n’en était tout simplement pas capable. Le lycanthrope était tombé dans une spirale infernale où plus il s’en voulait de ne pas être présent pour Abel, moins il était présent de le regarder dans les yeux et d’être présent pour lui. L’un des éléments qui le rassurait malgré tout était que les bruits de couloirs circulaient rapidement dans l’hôpital, ainsi si Wyatt était devenu hors de contrôle, il l’aurait su rapidement. Non pas qu’il sache quoi faire si le semi-lycanthrope commençait à s’agiter un peu trop. Etait-il sensé lui grogner dessus pour le calmer ? Uriner dans tous les coins de l’hôpital pour lui faire comprendre qu’il était sur le territoire d’un autre ? Il aurait peut-être du écouter un peu plus son père lorsque ce dernier parlait en boucle, comme un disque rayé, de la fierté d’être un Lycanthrope de la famille Greyback.

Ressasser ses événements n’allait certainement pas l’aider à soigner ses patients. Il avait donc décidé de mettre une fois de plus cet événement de côté, se rassurant comme il le pouvait en se disant que si Abel avait lui aussi coupé tout contact pendant deux mois, c’est parce qu’il n’avait absolument pas besoin d’aide. Sa nuit avait été agitée et assez courte, mais il en avait maintenant l’habitude. Sa journée de travail avait été plutôt, les patients n’avaient pour une fois pas été trop nombreux. Cependant les médicomages étaient assez agités, parlant sans cesse de l’invitation qu’ils avaient tous reçu de la part du ministère, de la tenue qu’ils pourraient porter ou encore de ce qui allait se passer à cet événement inédit. Wyatt qui n’était pas forcément ravi de ce bal était encore moins ravi d’entendre tout le monde lui rabâcher les oreilles à ce sujet. C’est la raison pour laquelle, en plus d’éviter Abel, il avait aujourd’hui évité la majorité de ses collègues. Cela était assez dommage, car il aurait beaucoup aimé discuter avec son ancien ami de cela à la pause déjeuner, prévoir de s’y retrouver à la même heure pour ne pas être jetés en pâture à la horde de danseuse avec leur jolie robe.

La fin de la journée était arrivée, et Wyatt avait besoin de décompresser un peu. Avant de quitter Sainte Mangouste, il avait eu l’impression étrange qu’Abel avait cherché à lui parler, son esprit lui jouait visiblement des tours. Au lieu de transplaner vers son petit appartement comme à son habitude, il avait transplané vers une petit échope sorciére pour acheter une nouvelle cravate pour le bal, toutes ses cravates étant marquées par le temps ou par l’odeur de l’hôpital. Il avait ensuite fait un détour pour acheter une bouteille de son whisky pur feu préféré et avait fini par une visite chez son boucher pour quelques portions de viande crue. Comme le loup garou aimait beaucoup la viande fraiche, il était très souvent amené à aller chez son boucher, entre deux et quatre fois par semaine, ainsi ce dernier discutait souvent avec Wyatt, et surtout lorsqu’il était pressé.

Avec tous ces contre temps, presque une heure s’était écoulé entre le moment où Wyatt avait quitté l’hôpital et celui où il avait finalement transplané pour rejoindre son domicile. Le temps londonien était fidèle à lui-même et de nombreuses gouttes de pluie avaient commencé à tomber sur les pavés servant d’entrée au petit appartement. En voyant une forme devant chez lui, la méfiance rempli Wyatt, avant qu’elle ne soit remplacée par la surprise lorsqu’il reconnut la silhouette de Abel. Qu’est-ce que cet idiot faisait ici ? Sa dernière visite ne l’avait-il pas effrayé ? Ou alors cherchait-il peut-être des réponses à la cicatrice qui ne l’avait pas quitté depuis deux mois ? Wyatt qui avait failli faire tomber ses sacs sous la surprise s’était vite rattrapé et avait demandé, d’une voix un peu dure. « Fawley ? Mais qu’est ce tu fais ici ? Sous la pluie en plus, tu es trempé ! Ca fait longtemps que tu es là ?! » Sans lui laisser le temps de répondre, Wyatt déverrouilla sa porte à l’aide de sa baguette avait d’ajouter précipitamment, comme si son cerveau voulait parler avant qu’il n’ait le temps d’analyser sa proposition et de faire marche arrière. « Peu importe, rentre. Tu vas attraper la mort à rester le froid. Retire tes vêtements, je vais te chercher des serviettes et des nouveaux vêtements. » Il senti ses joues rougir en prenant conscience des mots qu’il avait prononcé, et pour fuir la conservation, il avait allumé le feu sous sa cafetière italienne d’un coup de baguette avant de s’éloigner du petit salon sur lequel donnait la porte d’entrée où Abel avait pris place pour aller chercher de quoi remplacer les vêtements trempés du plus petit.

C’est idiot mais maintenant qu’il est là, il ne se voit pas faire demi-tour même si Wyatt ne semble pas être là, ou bien l’ignore comme Abel a pu le faire ces derniers mois. Il s’installe comme il peut sur la marche de cette entrée pas vraiment abritée de la pluie qu’il ne sent pas, à laquelle il ne fait plutôt pas attention. Il cogite beaucoup trop à se demander s’il fait bien de rester, de tenter de changer les choses. De les comprendre aussi. Il a un peu peur de mettre des mots sur ce qu’il s’est passé cette nuit là qui l’a souvent laissé comme indécis, ne sachant jamais réellement que penser de cette situation. Il ne parle pas que de cette morsure qui ne part pas, de ces changements qui le rendent un peu plus nerveux, plus facilement irrité sans pour autant encore en devenir violent même s’il redoute ce passage du cap. D’un naturel plutôt calme, il se sent dépassé comme si d’avoir dépassé cette limite qu’il s’était donnée le punissait à sa façon d’apprendre comme à nouveau à se connaitre. Il n’était pas certain d’apprécier. Il n’est pas encore habitué à ces changements qu’ils soient caractériels ou à cette façon de mieux voir, percevoir la présence des autres avant qu’ils n’arrivent. S’il n’est pas surpris de la présence de Wyatt une heure plus tard après son arrivée, il a la boule au ventre dès qu’il l’accoste.

Fawley. Cette façon de lui parler le blesse même si cette nouvelle part de lui lui souffle qu’il l’a mérité, que toute cette situation ne serait pas arrivée s’il ne s’était pas pointé chez lui ce soir là, s’il ne l’avait pas évité tous les jours qui ont suivis et tous les autres jusqu’à ce soir. Il se moque de la pluie, il est plus résistant que Wyatt ne le pense, encore même plus maintenant s’il additionne tous les éléments, cesse de se cacher ces nouvelles réalités chez lui. Il ne fait pas si froid, la pluie n’a jamais été embêtante mais à l’intérieur de l’appartement il y fera plus doux ou plus froid vu le ton du plus âgé qu’il est loin d’apprécier. « Arrête un peu Wyatt, je ne suis pas ton gosse. » Sa voix est loin d’être sèche, il est simplement las de sa propre stupidité à avoir voulu le fuir, à avoir voulu croire un moment que rien ne s’était passé tout en prenant soin d’agir comme si Wyatt n’existait pas. « Ne suis-je pas loin de tomber un jour malade, après tout ? » Il essaye d’en parler alors qu’il est déjà parti chercher de quoi le garder au sec alors qu’il avait eu cette impression aussi, de se réchauffer plus facilement qu’à l’habitude ces deux derniers mois. Un indice en plus des autres, en plus de la lune et ses changements d’humeurs plus fréquents que d’habitude malgré son calme si souvent reconnu de tous ceux qui le connaissent. Il devine plus qu’il ne sait ce qu’il s’est passé, ce qu’il devient par la force des choses. Il se préserve quand il choisi de n’enlever que le haut. « Tu en poses souvent des questions sans attendre de réponse ? » Est-ce une question ? Pas vraiment mais c’est un retour à ce qu’il s’est passée à l’entrée. « Je suis là depuis une heure. Il aurait été bête de partir alors que j’osais prendre la décision de venir te voir. » Il ne sait pas combien de temps il aurait attendu comme il ne sait pas ce qu’il lui a pris ce soir là quand il est venu le voir. Regrette-il ? C’est la réponse qu’il n’a pas, qui oscille entre le oui et le non plus il se la pose, qui le mène à rougir quand il y repense, quand il dévoile ce bout de peau mordu, soigné par celui qui n’avait pas tant envie de dévoiler cette partie de sa vie privée à sainte mangouste et qui n’était pas encore prêt demander de l’aide à l’un de ses proches et encore moins à l’habitant de ce lieu.

Wyatt ne préféra pas répondre au commentaire de Abel quant au fait qu’il ne soit pas son gosse, car il le savait parfaitement mais ne pouvait résister à cet instinct qui lui criait de protéger la petite boule de douceur qu’était Abel, peu importe si ce dernier n’était pas d’accord avec ça. Sa remarque l’avait tout de même un peu mis sur les nerfs, comme si Abel tentait de défier son autorité. C’est la raison pour laquelle il répondit d’un ton toujours aussi froid. « Il faut bien que quelqu’un prenne soin de toi, comme tu es incapable de le faire toi-même.. T’es totalement inconscient Abel… » Abel n’était pas totalement inconscient parce qu’il avait attendu que Wyatt rentre chez lui sous la pluie, il était totalement inconscient parce que, malgré les derniers événements qui avaient lié les deux hommes, il était revenu vers lui avec la bouche en cœur. Quel imbécile !

Même si il avait changé de pièce, il pouvait sans mal entendre les paroles et les insinuations du plus jeune, il comprenait maintenant la raison pour laquelle son amant d’un soir avait décidé de venir : il voulait parler de la nuit qu’ils avaient passé ensembles, il voulait des réponses sur la marque de Wyatt lui avait infligée de façon permanente. Abel n’était pas stupide, il avait étudié la médicomagie et avait donc une certaine connaissance des créatures magiques, tout au moins plus poussée que celle d’un élève lambda de Poudlard. Il devait donc avoir été capable d’additionner deux plus deux et de comprendre ce qui lui était arrivé. Sinon, malheureusement pour Wyatt il était attiré par un mec qui n’était pas très fute-fute.

Après avoir farfouillé dans son étagère pour trouver des vêtements qui pourrait aller à la carrure beaucoup plus frêle que la sienne d’Abel, Wyatt était revenu avec un tee-shirt et deux serviettes qu’il avait tendu à son invité surprise, pour qu’il se sèche correctement et puisse enfiler un vêtement sec, bien que les lycanthropes étaient plus résistants, ils n’étaient pas immunisés. Le petit Wyatt en avait d’ailleurs fait les frais en passant une semaine au lit à tousser et se moucher près avoir voulu courir toute une après-midi sous la pluie. Comme pour repousser une fois de plus l’échéance fatidique, Wyatt était reparti dans la cuisine pour servir deux tasses de café bien chaudes et les poser ensuite sur la petite table où Abel était installé. Les quelques secondes qu’il avait gagné ne lui avait pas permis de trouver la véritable solution à son dilemme, après tout il avait passé deux mois à y penser en étant incapable de trouver une solution. Cependant, il ne pouvait pas rester comme un con en face d’Abel sans parler. Il prit donc la parole, répondant dans un premier temps à la première partie des mots qu’il avait ignoré. «Tu sais que ça m’arrive très souvent de poser des questions sans attendre de réponses particulières, mais cela ne veut pas dire que je n’écoute pas les réponses lorsqu’elles me parviennent. Tu as la voix qui porte et j’ai l’ouïe fine..»

Et, une fois de plus le silence s’installait entre les deux hommes, Wyatt ne savait absolument pas ce qu’il pouvait dire à l’homme qui semblait pourtant déterminé à lui parler, tellement déterminé qu’il avait même attendu une heure qu’il rentre chez lui après avoir vaqué à ses occupations. Il ne méritait pas le silence de mort qui régnait dans la pièce, bien au contraire, il méritait que Wyatt réponde à toutes ses questions. Il était tant que le survivant de la lignée de Marcus Greyback devienne un peu digne de sa famille et assume ses actions. Il avala une gorgée de café brulant pour se donner du courage avant de prononcer les mots qui mettraient sans doute le feu aux poudres. Sa voie s’était adoucie par rapport aux premiers mots qu’il avait prononcés, comme si il s’était calmé… comme si il essayait d’être plus compréhensif. « Une heure…. C’est énorme, tu dois vraiment avoir envie de me voir. Ce que je ne comprends absolument pas, ce qui s’est passé la dernière fois que nous nous sommes vus est tout bonnement impardonnable. Tu devrais me jeter ce café en plein visage, pas venir me voir. Je… Je te présente toutes mes excuses, je n’avais aucun droit de ruiner ta vie ainsi, j’aurais dû avoir un bien meilleur contrôle de moi-même que cela ! Mais Fawley…» Cela était assez étrange d’enfin exprimer ce qu’il ressentait, cette culpabilité qui le rongeait. Il ne tentait pas de se placer en victime dans cette histoire, car la véritable victime était celui qui lui faisait face, celui qui avait besoin d’aide pour comprendre sa nouvelle vie. « Il est tout à fait normal que tu ne veuilles plus me parler. Mais si tu as besoin d’aide pour…. Tout ça… demande moi, s’il te plait, ne fais pas confiance au premier…. Au premier qui passes. Je ne suis pas meilleur qu’eux mais je ne t’enterais pas… plus de te faire du mal. »

Il avait ponctué ses derniers mots par un faible sourire, comme pour promettre silencieusement à cet homme issu d’une famille aussi liée à la sienne qu’il ne fuirait plus comme il l’avait fait pendant les moins précédents, qu’il serait là pour l’épauler dans la découverte de ce nouveau mode de vie, qu’il se comporterait comme un mentor en tout bien tout honneur, n’ayant aucunes arrière-pensées similaires à celles qui avaient ruiné leur amitié.

Ca aurait dû être simple de venir ici. Cet appartement, c’est un lieu qu’il a cherché à éviter le plus souvent possible ces deux mois tout comme son propriétaire à Sainte-Mangouste. C’est puéril, c’est d’agir comme un gamin pris en faute et après tout n’est-ce pas le cas ? Quand il y pense, il ne se souvient que vaguement de ce qui l’a poussé à venir, ce qui le pousse aujourd’hui de venir à nouveau. Il n’a pas peur de ce qu’il est même s’il lui a fallut du temps avant de l’admettre. C’est deux choses différentes. L’interrogation de ces deux mois était plutôt de savoir comment se comporter envers Wyatt plutôt que de paniquer par rapport à sa condition, à ce qu’il aurait pu devenir s’il était venu un autre jour, s’il l’aurait croisé dans cette toute autre forme, différente mais peut-être bien toujours Wyatt ? Il ne sait pas, il doit bien avouer qu’il n’en sait pas plus que ça sur cette malédiction des Greyback, de ceux qui sont plus malchanceux que lui dans l’histoire. Il ne peut s’empêcher de le provoquer un peu, ils ont dépassé le stade non. S’il ne déteste pas son nom de famille, il déteste que Wyatt l’appelle ainsi. Depuis le début il a détesté ça, et peut-être que maintenant, il commence à comprendre un peu pourquoi. Il ne sait simplement pas comment réagir par rapport à ce premier pas fait vers le Medicomage, il y a deux mois, ce soir là. Aurait-il agit différemment en étant sobre, se serait il refréné comme à chaque fois qu’il pensait au Medicomage de cette façon, se maudissant d’avoir de telles pensées pour celui qui cherche à l’éviter en allant de pièce en pièce même s’il ne pourra pas aller bien loin. Ce n’est pas si grand : il en aura bientôt fait le tour.

Il pause des questions à la volée, en cherchant des réponses qu’il possède déjà, lui donne quelques autres réponses qui n’en sont pas des vraies. Il ne dit pas encore vraiment pourquoi il est là même si Wyatt s’en doutera quand il décide finalement de se changer rapidement, ce qui est stupide vraiment d’agir ainsi, ce n’est pas comme si c’était la première fois même si les souvenirs lui reviennent en flash incomplets. Qu’ils soient incomplets ne change pas ce qu’il ressent, ce qu’il pense ressentir pour le plus âgé, celui pour qui il ne devrait pas ressentir tout ce flot de sentiments qui le déstabilisent à chaque fois. Il a essayé d’agir de façon normale, ces derniers mois. Il ne se souvient pas exactement comment il en est arrivé à venir chez lui en ayant pas toute sa tête, ce qu’il sait, c’est que cela faisait un moment qu’il aurait dû lui dire, venir avant cette phase d’avant pleine lune. Peut-être que les choses se seraient passées de façon différentes mais cela voudrait dire qu’il regrette. Regrette t-il ? Il n’est pas certain de savoir répondre à cette question. 'Il faut bien que quelqu’un prenne soin de toi, comme tu es incapable de le faire toi-même.. T’es totalement inconscient Abel…' Il a l’impression que Wyatt l’accuse et en même temps il est soulagé, pour un bref moment c’est son prénom qu’il utilise et malgré tout le voilà soulagé. Il ne parvient pas à cibler exactement ce qui changera chez lui. Il se doute bien évidemment qu’il n’est pas loup-garou, cela se saurait sût surtout par lui, puis ce n’est pas de cette façon que cela se passe, mais il ne sait pas tant les particularités de ce qu’est un semi loup-garou. Pour le moment il ressent beaucoup d’irritation sur ce que Wyatt lui dit, sur ce qu’il se passe autour d’eux à Londres mais voilà c’est bien tout ce qu’il perçoit en plus des sens un peu plus développés, la chaleur qui revient grâce au pull un peu trop grand pour lui, grâce à la présence de Wyatt malgré le sermon qui ne le touche pas. Pas tant. Il sait Abel, que se retrouver face à un mur lui aurait fait beaucoup plus mal.

'Tu sais que ça m’arrive très souvent de poser des questions sans attendre de réponses particulières, mais cela ne veut pas dire que je n’écoute pas les réponses lorsqu’elles me parviennent. Tu as la voix qui porte et j’ai l’ouïe fine..' Il hausse les épaules une fois changé, quand il tente de se sécher un peu rapidement. Il ne doit pas ressembler à grand-chose en cet instant mais en cet instant aussi, il s’en fiche un peu. Il ne se fiche pas de ce que Wyatt lui dit mais ce qu’il vient de lui dire n’est pas l’important. L’important reste la suite. ‘Une heure…. C’est énorme, tu dois vraiment avoir envie de me voir.’ S’il n’était pas tant inquiet pour la suite à venir, très certainement qu’il aurait rougit à de telles paroles. Il avait assez redouté ce moment de venir le voir, assez de ce silence qu’ils s’étaient infligés. Il garde cette tasse entre les mains malgré ce que lui dit Wyatt. Il a un peu froid, ne sait pas si c’est la pluie ou toute cette situation qui le frigorifie. « Tu crois vraiment que je suis venu te voir pour dire que je ne voulais plus te parler ? » C’est une question qui accuse un peu. Il ne lui en veut pas pourtant pour tout le reste, juste pour ça. « Tu n’as pas ruiné ma vie. T’exagères un peu tu ne crois pas ? » Non il ne croit pas et Abel ne connait probablement pas tous les changements à venir. S’il regrette ou non il n’en sait trop rien encore n’est pas si sûr même si pour le moment sa réponse pencherait plus pour un non. « Je ne suis pas en colère contre toi. » Comment le pourrait-il ? Il pourrait lui demander de cesser de l’être mais ne sait pas si c’est sa place, c’est à Wyatt de décider ce qu’il ressent par rapport à toute cette situation qui semble être nouvelle et égoïstement ça le rassure. Il n’a que rarement soulevé la Lycanthropie du Greyback, sait que par la réaction exagérée du plus âgé qu’il a eu raison de lui faire confiance parce que quelque part cette fois-là si particulière, c’était sa première à lui aussi.

A l’époque, Wyatt et Abel n’avaient aucun mal à discuter. Ils n’avaient eu aucun mal à échanger des mots tendres il y a deux mois, maintenant chaque mot prononcé semblait douloureux et difficile à prononcer. Le silence n’était pas non plus quelque chose qui semblait convenir au duo. Que ce soit une conversation verbale ou non verbale, la communication était totalement rompue entre les deux lycanthropes, et l’incompréhension régnait entre ces deux êtres qui avaient été en parfaite synchronisation mais étaient maintenant incapables d’être sur la même longueur d’onde.

Ce pressentiment qui habitait Wyatt se renforça lorsque Abel repris la parole ’Tu crois vraiment que je suis venu te voir pour dire que je ne voulais plus te parler ?’. Le lycanthrope avait dû se retenir de hocher la tête tant la réponse à une question aussi stupide était évidente. En effet si Wyatt devait, alors qu’il était âgé d’un demi-siècle reconsidérer ses plans de vie, il ne voudrait plus adresser la parole à la personne responsable de ces horreurs. Les dix doigts d’une main n’étaient certainement pas suffisants pour compter les trop nombreux changements qui allaient affecter Abel. Si il y avait bien un petit point positif dans toute cette affaire c’est que le plus jeune ne serait pas torturé par la lune à cause des changements physiques associés à la lycanthropie, et qu’il n’était pas encore marié et –au dernières nouvelles– ne fréquentait personne de façon romantique, à moins qu’il ne soit pas un petit ami très fidèle. Ainsi, personne ne pourrait interférer dans ses sautes d’humeur pour les empirer. Mais cela signifiait également qu’il n’avait personne pour l’aider à traverser ce terrible évènement.  Avoir un proche pouvait largement aider à calmer les petites modifications d’humeurs liées aux cycles de la lune. Cela ne les supprimait et restait totalement inefficace durant les soirs de pleine lune. Même si Abel avait une part de « tranquilité », il était seul dans son combat acharné contre la lune… Et les lycanthropes recommandables ne courraient pas les rues ! Wyatt pouvait en témoigner par la plus par des membres de son espèce étaient également des membres de sa famille et trainaient dans des affaire plutôt louche, alors ce n’était certainement pas à eux qu’il fallait demander conseil !

’ Tu n’as pas ruiné ma vie. T’exagères un peu tu ne crois pas ?’ Lorsqu’Abel prononça ces mots, Wyatt eu presque envie de de rire, comment son collègue et ami pouvait-il penser que sa vie n’était pas ruinée ? Savait-il seulement ce qui l’attendait ? Wyatt avait besoin de développer tous les éléments qui allaient changer dans la vie d’Abel. « Qu’est-ce que tu racontes je n’ai pas ruiné ta vie ? Tu.. Tu vas devenir super agressif, et tu vas avoir de sautes d’humeur pour un rien… si ça t’es pas encore arrivé. Tu vas faire le tour de toutes les boucheries de Londres pour trouver la meilleure, ils vont te prendre pour un fou et tu devras inventer d’avoir un chien pour parer ça. D’ailleurs ne tente pas la boucherie de Long Ace, elle est dégueulasse. Et surtout la lune. Je ne sais pas si tu réalises mais tu vas dernier ultra violent les soirs de pleine lui, même si tu ne te transformera pas… et une fois la lune couchée tu te sentiras faible, tu pourras rien faire.. Pourquoi crois-tu que je ne viens pas travailler ? Wyatt secoua doucement la tête avant d’ajouter. « Et avec tout cela, tu penses vraiment que je n’ai pas raté ta vie ? »

’ Je ne suis pas en colère contre toi. ’ La voix d’Abel était douce, et Wyatt y croyait presque, mais la culpabilité était plus forte la douceur de son amant d’un soir. « Je ne sais pas comment tu fais, car je suis fou de colère contre moi-même. J’aurais dû être capable de me contrôler, c’est pas la première fois que je partage des moments…. Comme ça… et… ça n’était jamais arrivé. Mes excuses ne changeront rien à ce que j’ai fait. Mais je ferais de mon mieux pour t’épauler dans ce que tu traverses, quelque soient les difficultés. » Wyatt qui avait terminé sa tasse de café en faisant des petits « slurp » pour meubler le silence la rempli à nouveau, avant de rempoter la tasse d’Abel sans que ce dernier ne le demande. Il prit une nouvelle grosse gorgée de café avant de demander « Tu n’es pas venu ici pour la qualité de mon café… J’pense que tu avais des questions à me poser…. J’te laisse demander, open bar. Je répondrais à tout, c’est promis. »

Wyatt était un peu stressé, mais il s’était lancé à l’eau et maintenant il était proche de la noyade, il espérait très sincèrement que Abel allait être clément avec lui et lui tendre une perche pour lui permettre de remonter à la surface.

Ca l’embête cette situation, d’avoir l’impression d’être à la fois le coupable et la victime alors qu’il ne veut être aucun des deux. Il est juste Abel et rien que ça parfois c’est bien plus compliqué qu’ils peuvent le penser. C’est qu’il se pose beaucoup de questions sur un peu tout sauf peut-être bien le sujet qui le touche plus sensiblement aujourd’hui. Peut-être qu’il n’a pas envie de trop s’en poser parce qu’il ne voit pas cette maladie si particulière comme étant un problème. Ce n’est pas comme s’il était devenu un loup-garou, la sûrement qu’il en aurait voulu au brun mais là c’est totalement différent. Il va devenir un peu différent, d’humeur changeante peut-être mais lunaire, il l’est déjà, à force de vouloir chercher à tout comprendre sauf l’important, le voilà qu’il se perd un peu, qu’il a l’impression de sentir un malaise chez lui alors qu’il ne l’avait pas auparavant, ne le ressentait pas tant en venant ici. Il s’interroge oui, mais l’interrogation n’était pas suivit de cette impression de ne pas se sentir à sa place. De ce qu’il ressent plus fort ce soir, c’est qu’il ne devrait pas être la, Wyatt ne veut pas qu’il soit là quand bien même il dit vouloir l’aider. Il cette impression de recevoir ce sermon qu’il n’a jamais voulu du plus vieux pas même avant quand il cherchait à l’aider à l’hôpital, par rapport à sa mère ou juste cette façon de lui donner des conseils. Abel a beau ne pas tant savoir ce qu’il cherche à être ici, il sait qu’il n’a jamais voulu de ce Wyatt là.

C'est celui qui est pourtant face à lui ce soir. La nervosité reprend ses droits quand le brun continue sur sa lancée. Visiblement, il ne compte pas s’arrêter. Il veut qu’il lui dise quoi, Abel, qu’il ne veut plus le voir, qu’il ne supporte pas le simple fait de cette présence, que c’est ça la raison de sa venue ? Il peut le faire, il peut se montrer aussi cassant que son frère parfois mais ça serait mentir et des mensonges comme ceux-là, ils n’ont jamais été son fort même s’il peut mentir à tout va quand ce n’est pas bien important, quand il cherche à se protéger comme ces deux derniers mois. Il fait attention, ce n’est pas dans ses habitudes d’agir comme il l’a fait mais c’est dans les siennes que de chercher à ne pas trop se mentir, cacher cette vérité quand elle fait surface petit à petit, comme elle l’a fait tous les jours à Sainte-Mangouste en le croisant quand il se posait trop de question à savoir ce que c’était que ce cœur qui bat trop vite en sa présence, celui là même qu’il aurait préféré qu’il ralentisse, qu’il ne lui donne pas comme cet élan de trop ce fameux soir là. S’il regrette ? La réponse semble être sur la négative mais l’inverse pourrait se dévoiler si le lycanthrope continue de lui montrer qu’il regrette tout de ce qu’il s’est passé.

Et il continue, pire encore il liste ce qu’il deviendra par la force des choses, ses traits de caractère qui se renforcent, ceux qu’il tentait d’atténuer, de contrecarrer par ce calme qui le caractérise même à présent. Il ne cherche pas à le contredire, attend simplement qu’il ait fini de décrire sa propre situation pour l’aider à comprendre la sienne. Il relativise peut-être un peu trop, Abel, mais il a toujours minimisé les conséquences quand ça ne concernait pas d’autres personnes que lui alors pourquoi s’arrêter. Être semi lycanthrope ne va pas le changer totalement, il restera le même, tentera de le rester même si la lune traitresse n’en fera qu’à sa tête, le rendant plus violent ces soir là, qu’en sait-il ? Il n’a pas encore ressenti cette violence en lui, d’agacement le menant à cet extrême qui ne lui ressemble pas. Il ne dit pourtant rien, Wyatt ne lui en laisse pas le temps, continue de lui en dire beaucoup trop, comme s’il avait besoin de tout savoir dans les moindre détails. Il aurait préféré ne pas le savoir mais se demande pourquoi avec lui, ça a été différent. Le plus difficile jusqu’à présent aura été cette grippe bien différente qui n’en était pas une. Il se souvient de ce miroir brisé, de ce poing blessé, comme si les maux de tête accompagnant ce sentiment de crainte non contrôlée partirait en lui donnant autre chose, ce mal ailleurs. Il sait ça qu’il est déjà différent comme il sait qu’il n’aura pas d’autre choix que de vivre avec. Il ne va pas commencer à se détester pour ça non ?

« Je m’estime chanceux d’être encore là pour pouvoir relativiser. J’en ai déjà suffisamment voulu à la terre entière que pour t’en vouloir à toi. » C’est pas une vraie excuse mais s’en est une pour lui. Sa mère n’a pas sa place ici mais c’est ‘grâce’ à son état qu’il ne lui en veut pas, qu’il a toujours pensé qu’il valait mieux trouver une solution pour changer les choses que la violence. Il est devenu medicomage. « Alors j’peux pas t’empêcher de t’en vouloir mais je peux encore choisir de ne pas t’en vouloir. » Il a l’impression de se répéter ça n’a pas d’importance. Il doute que cela change cette opinion qu’à Wyatt sur lui-même mais de son côté il a cette impression qu’à ses yeux, Wyatt restera le même. Il ne sait pas ce que Wyatt attend de lui, il ne peut pas le détester, le rayer de sa vie même s’il a tenté ces dernières semaines. A le voir ainsi aujourd’hui force est de constater que l’entreprise fut un échec. « J’en ai pas pour longtemps. » Il ne veut pas rester beaucoup plus longtemps, il n’a pas envie de n’être que cette source intarissable de remords chez le medicomage. Son regard auparavant fuyant ne fuit pas le sien quand Wyatt semble ne plus avoir d’autre choix que de lui faire face. « C’est tombé sur moi. Pourquoi ? » C’est le plus important finalement, de savoir pourquoi cette fois-ci est si différente pour celui qui semble vouloir tirer un trait sur leur passé qui ne se résume pas qu’à cette nuit là même si leur histoire aurait pu prendre un tournant différent malgré ce qui semble les séparer aujourd’hui, malgré ces lois qui tombent unes à unes, lui donnant plus encore cette envie vomir que ne l’aura jamais fait cette morsure.

Aux yeux de Wyatt, Abel n’avait rien d’un coupable. Il était une victime qui avait eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment, et Wyatt était le seul coupable. Ce n’est pas que le plus vieux n’a pas envie qu’Abel soit chez lui, bien au contraire. C’est juste qu’il avait peur de déraper une fois de plus et de ruiner par la même occasion le peu de relation qu’il leur restait. Cette crainte était stupide, car une fois contaminé, une nouvelle morsure un peu trop profonde serait inoffensive pour son collègue. Il restait toujours la peur de lui sauter dessus pour lui arracher la gorge, mais la pleine lune était encore bien loin. Etant effrayé de plonger dans l’inconnu avec Abel, il était retombé dans ses anciens travers, à faire la morale à un pauvre homme qui n’avait absolument rien demandé.


Il ne sait pas ce qu’il attend d’Abel, tout simplement car il ne s’attendait même pas à ce que le jeune homme vienne le voir. Peut-être voulait-il lui aussi des réponses, sur cette nuits qu’ils avaient partagé, sur leurs cœurs qui s’étaient emballés pour battre à l’unisson, sur ce qui les avait poussés tous les deux à céder à leurs plus sombres désires. Ils avaient longtemps menti, conservé une face amicale malgré ce qu’ils pouvaient tout deux ressentir, et une soirée alcoolisée avait suffi à tout faire déraper, et de façon spectaculaire. Wyatt qui avait repoussé toutes les interrogations qui lui occupaient l’esprit dans un petit coin, sauf que l’ensemble de ses vilaines pensées concernaient Abel. Avec ce dernier lui faisant face, tout remontait à la surface et tout se bousculait dans son esprit. Il ne savait pas ce qu’il voulait, ce qu’il ne voulait pas. Il était incapable de savoir si il voulait continuer à se flageller et à repousser Abel par tous les moyens possible, faisant ressortir les traits de caractères qu’il savait que le jeune homme détestait pour le pousser à quitter son appartement le plus vite possible. Ou peut-être qu’il voulait le prendre dans ses bras, s’excuser le plus platement du monde pour l’avoir traité comme il l’avait fait il y a deux mois de cela, le laissant se réveiller dans un lit vide, avec pour seul souvenir de leur nuit leurs odeurs mélangées, et lui demander de lui accorder une nouvelle chance à cette chose, peu importe son nom et à quel point elle était vouée à l’échec. Dans les moments de doutes, son cerveau avait tendance à choisir la pire option : la distanciation : c’est la raison pour laquelle il s’était lancé dans l’énumération de tout ce qui allait changer chez Abel, comme pour lui faire peur. Comme pour le pousser à partir.


Il avait terminé sa longue liste de problèmes, et Abel ne semblait pas le moins du monde effrayé. Il semblait presque habitué à ce qui allait se présenter à lui, pourtant les symptômes ne pouvaient pas déjà être si présents. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : Abel était une personne très courageuse, qui avait appris à s’apprécier peu importe la situation, et qui était surtout plein d’optimisme. Wyatt ne pouvait s’empêcher d’être un peu jaloux, de cet homme qui avait eu la chance d’être normal, et de pouvoir apprendre à s’aimer ainsi, de ne pas être soumis à l’horrible torture de la lycanthropie. Il avait eu la chance de ne pas devoir être un « bon » loup garou aux eux de sa famille. Wyatt n’irait pas jusqu’à dire que le plus jeune avait eu une vie de rêve, car la famille Fawley n’était pas forcement la famille idéale, mais il avait été assez heureux pour ne pas se détester. Alors qu’il allait ajouter de nouvelles souffrances au futur sort d’Abel, ce dernier repris la parole.

Il était effectivement un irrémédiable optimiste, voyant le côté positif de la chose, argumentant que la morsure qu’il avait reçu n’était pas si terrible que ça car il était encore en vie, il était vraiment un imbécile heureux lorsqu’il réagissait ainsi. Wyatt avait presque envie d’ajouter que si Abel en voulait à la terre entière, il pouvait lui en vouloir un peu plus – cela ne changerait pas grand-chose – mais il reprit la parole en lui assurant qu’il ne lui en voulait pas. Ce à quoi Wyatt répondit avec un petit sourire. « J’avais oublié à quel point tu pouvais être têtu.. » Le soulagement qu’il avait ressenti quand Abel lui avait dit qu’il n’en avait pas pour longtemps s’était évaporé quand il avait posé la question fatidique : pourquoi est-ce que c’était tombé sur lui. Apres avoir réfléchi un moment, Wyatt secoua négativement la tête avant de répondre. « Très franchement Fawley, je n’ai pas de réponse à cette question. C’est peut-être parce que tu es différent des autres. Parce que j’ai voulu te marquer comme mien pour garder un souvenir de … Un souvenir. La pleine lune était assez proche, c’est plus compliqué de garder l’animal en cage dans ces moments. Peut-être que j’ai trop laissé tomber mes défenses, et que, j’ai glissé beaucoup trop profondément dans ta chaire. Crois-moi que si j’avais une réponse aucun de nous n’en serait là. » Son manque de réponse devrait suffire à clore le débat, et sans doutes à faire partir Abel, Abel dont l’odeur était devenue un peu plus attirante car quand on y reniflait bien, on pouvait sentir un peu de l’odeur de Wyatt, c’était très diffus, très dilué, et peut-être même un pur produit de son imagination, mais cela lui arracha un petit ronronnement de plaisir qu’il eu beaucoup de mal à contenir. Ne voulant finalement pas voir la personne qui l’avait attendu si longtemps sous la pluie repartir tout de suite, il lança : « Tu… Tu en as parlé à quelqu’un ? De ta condition je veux dire ? » La question n'était pas si innocente que cela. Derrière le couvert d'entretenir la conversation, l'héritier Greyback voulait aussi savoir si il allait être dénoncé et avoir des gros problèmes avec le ministère qui n'était pas vraiment fan des transformation à tout va, en particulier quand elles étaient réalisées sur des femmes et les rendaient stériles par la même occasion, incapable de remplir le rôle de poule pondeuse qu'on leur avait attitré.

Ils ont l’air un peu idiots à être aussi bornés l’un que l’autre. Wyatt pense le faire fuir en agissant ainsi, il a à moitié raison. Il sait plus ou moins ce qui l’attend mais choisi de ne pas s’en faire pour le moment, ce n’est pas si important les colères à venir, ces changements qui risquent d’en surprendre plus d’un, lui le premier. C’est comme encore loin dans sa tête alors que c’est déjà arrivé finalement, il est le seul à préférer agir de façon un peu naïve, que de croire que tout pourra revenir bientôt comme avant. Il n’y a qu’à les voir tous les deux pour savoir que ce ne sera jamais plus comme avant. C’est sûrement ça le plus difficile pour Abel que cette semi lycanthropie pourtant déjà présente. C’est pour ça qu’il sait qu’il va partir, qu’ils vont être têtus dans leurs façons de voir les choses et que rien ne changera. Il déteste ça, cette idée qu’ils se prendront la tête à chaque fois qu’ils en parleront, où qu’il ignorera ce simple fait : la personne qu’il devient.

Sa question n’est qu’une excuse pour rester un peu plus longtemps. S’il part, il sait qu’il n’y aura pas de retour possible même s’il ne lui en veut pas. « J’avais oublié à quel point tu pouvais être têtu... » Ça le fait sourire un peu malgré tout. « Toi aussi. » Ça rime à rien cette phrase aussi, ça les mène nulle part. Comme cette distance que Wyatt impose en lui répondant, en l’appelant une fois encore par son nom. Il a cette façon si froide de dire les choses parfois. Si Abel peine à mettre des mots sur ce moment partagé, Wyatt se les appropries de façon presque creuse s’il n’y avait pas  ces quelques mots prouvant le contraire. Et ça le déstabilise un peu parce qu’il sait qu’il ne saura jamais vraiment à quoi s’attendre avec lui. Il hésite un peu, ne sait pas tant s’il a envie d’y réagir avec véhémence ou le contraire comme pour les défendre tous les deux, pour se dire que ce n’est pas que la lune et les pulsions qu’elle provoque. La lune n’a rien fait pour lui, ne fera rien d’autre que de lui causer du tort.

« Alors si je reste, cela ne te fera rien. » Il le dit si bien Wyatt et Abel sait pertinemment qu’il ignore volontairement ces quelques mots de ce discours bien ficelé le rendant responsable de par le loup, par la lune. S’il sait qu’il ne restera pas, il a envie d’autre chose que ce regard rongé par la culpabilité, ce nom prononcé fait pour l’éloigner, plus que ces quelques mots choisis pour le rendre à la fois tant irritant qu’attirant. « Je peux garder un secret. Ce n’est pas vraiment le genre de choses que je peux dire à quelqu’un, sauf à … » Sauf à lui et il le rejette. Il ne va pas rester, peu importe sa provocation : il ne se sent pas si bien et le froid de dehors n’a rien à voir avec ce ressenti  qui lui donne envie de partir alors qu’il garde encore la tête haute. « J’en ai rien à faire des lubies du ministère. » Puisque c’est bien de ça aussi ce dont il s’agit, en plus de tout le reste. « C’est con hein, mais j’avais pas tant l’envie de te perdre. » Il a l’impression d’être un autre plus défaitiste quand il le dit, quand il se lève en lui tendant cette serviette qui n’aura pas tant réussi à le réchauffer.

Un sourire avait fendu son visage malgré lui lorsque Abel lui avait répondu que lui aussi était resté têtu. C’était peut-être la seule chose qui n’avait pas changé dans leur relation : le répondant et le petit côté provocateur du plus jeune. Malgré la distance que Wyatt avait essayé de mettre entre eux, Abel ne pouvait s’empêcher de lui lancer des petites piques, sans que celles-ci ne soient méchantes. Malgré les divers problèmes que leur relation traversait, leurs sourires inconscients se répondaient parfaitement, restant en parfaite synchronisation, comme pour leur indiquer que tout combat, tout signe de résistance face à cette épreuve que le destin avait infligé à leur amitié –ou peut-être un peu plus –naissante était futile, que cette épreuve n’avait été créé que pour les rapprocher.

Non, cela ne lui ferrait absolument rien qu’Abel reste chez lui, bien au contraire il en serait ravi mais ne le montrerait bien. Abel lui avait manqué mais il ne l’avouerait pas. Du moins pas pour le moment. Son discours et bien répété, bien travaillé, et étudier pour effacé la culpabilité que pouvait ressentir le semi-lycanthrope tout en augmentant celle ressentie par Wyatt, qu’elle soit justifiée ou non. D’après Abel elle ne l’était pas, mais Wyatt n’en était encore pas convaincu. Alors, jusqu’à ce que ce que ce sentiment de culpabilité disparaisse, il allait tendre le bâton pour se faire battre. Abel avait finalement repris la parole, pour signaler qu’il n’avait parlé à personne de sa situation, mais qu’il y avait quelqu’un à qui il aurait pu le dire, à qui il aurait pu se confier. Ainsi, Abel se retrouvait à cacher quelque chose à une personne qu’il appréciait visiblement beaucoup pour protéger Wyatt de possible répercussions et punitions politique. C’était presque touchant, presque adorable. Si cela n’était pas si triste pour la personne à qui il devait mentir.

Cela laissait Wyatt s’interroger sur ce qu’il avait raté durant les deux mois où les amis avaient été séparés. Peut-être qu’il avait trouvé un nouvel ami à qui il pouvait se confier comme il s’était confié à Wyatt par le passé, ou plus que ça : peut-être avait-il trouvé l’amour, une personne avec qui se marier pour respecter cette nouvelle loi stupide et être heureux par la même occasion. C’était une pensée qui attristait beaucoup Wyatt. Tant qu’il ne remarqua même pas la provocation qu’Abel avait lancé contre le ministère en place. C’est la raison pour laquelle, comme pour offrir un premier pas vers la réconciliation au plus jeune, il répondit « Je suis désolé que tu ais à cacher ce secret à une personne importante pour toi. Si… Si jamais c’est une personne de confiance tu peux lui en parler. Je fais confiance à ton jugement, même si j’ai tendance à remettre en question tes choix tu… t’as une certaine intelligence sociale pour scanner les gens. Et puis… tu n’auras qu’à taire mon nom. Je ne suis pas le seul lycanthrope de Londres après tout.»

Il avait finalement prit confiance en lui lorsqu’Abel avait repris la parole, Abel ne voulait pas le perdre… Et très franchement, Wyatt n’avait pas envie de le voir disparaitre de sa vie malgré tout ce qu’il pouvait envoyer comme messages à l’heure actuelle, le repousser le temps que la culpabilité disparaisse, le temps qu’Abel puisse se faire à a nouvelle condition, oui, mais le voir disparaitre de sa vie tout jamais, non. Les derniers mots d’Abel étaient clair, tout comme les actions qui avaient suivi : il s’était levé et lui avait rendu la serviette prêtée. Le lycanthrope eut presque l’impression que son cœur se brisait, comme si cette serviette était le symbole de la fin de leur relation, tels des amants qui se rendaient leurs affaires quand ils arrivaient à la fin de leur histoire. Ne voulant pas laisser ce triste évènement arriver, Wyatt lança, presque à la volée, tout en attrapant le bras d’Abel pour le forcer à rester. « Abel.. Nous.. Nous ne sommes pas encore perdus. Juste un peu égarés. Je ne veux pas te voir disparaitre pour toujours, mais je ne sais plus comment agir avec toi avec tout ce que nous avons vécu… la nuit de ta transformation. »
Wyatt grogna doucement, un peu mécontent et frustré de ne pas savoir comment exprimer les sentiments qui le bouleversaient autant. Il murmura alors simplement. « Aide moi à sortir de la brume.. Ou laisse-moi du temps. Mais par pitié, ne partons pas fâchés. » Une dernière inspiration et Wyatt ajouta les mots fatidiques, sur une ton encore plus bas. « Je n’ai aucune envie de te perdre. »