Cette fille était d’une candeur exceptionnelle. Ou plutôt était-ce Ulixes trop parano, trop suspicieux. Il obtenait enfin ce qu’il cherchait depuis plusieurs instants.
Mais d’abord il avait ri, de bon cœur, en entendant la remarque faite sur Callidora. Ils avaient l’amour vache les Yaxley entre eux. De toute façon, il n’aimait pas tout le luxe duquel s’entourait sa petite sœur. En réalité, pour un sang-pur, élevé dans l’opulence, Ulixes avait des goûts plutôt simples. Il avait aussi connu jeune les difficultés financières quand son père, excédé par son manque d’entrain et d’ambition l’avait plus ou moins poussé à devenir indépendant à la petite vingtaine avec le salaire de misère qu’il recevait d’un emploi minable au ministère. Le seul luxe qu’il avait jamais toléré était celui que lui imposait la politesse envers son maître, désormais disparu. Depuis, seul un bracelet venait orner ses poignets. Même son alliance qu’il portait toujours n’était qu’un simple anneau plat d’or. Les goûts de l’aîné et de la benjamine étaient diamétralement opposés. Par ailleurs, Callidora devait déjà en avoir des centaines des manteaux de fourrure mais, elle serait capable de rentabiliser le chaton autrement. Pour sa réputation certainement « regardez-moi j’aime les animaux » ou « regardez-moi mon frère m’a offert un cadeau » ou « regardez-moi tout court », plutôt la dernière option. Il rit, d’un rire cristallin, sincère, que si peu avaient entendu auparavant. Grave comme l’était sa voix, profonde et puissante. Peut-être était-elle encore marqué, sans le vouloir, du ton macabre qui l’avait animé pendant tant d’années.
Par contre il gloussa et ricana quand elle admit ne plus y travailler. Dans l’esprit de Ulixes, c’était bien fait pour elle. Ils les avaient bien eu ces couillons du chicaneur. Pas toujours, mais quelques fois, ils avaient fait passé des infos fausses, pour dégoter les taupes dans leur lignes. Des taupes de bas étages, certes, mais des taupes quand même. Il lisait le chicaneur à l’époque. La stratégie avait beau avoir été mise au point par Hanibaal, c’était à lui de faire le sale boulot. De toute façon vu sa réputation il était la vitrine des fausses horreurs. C’était donc elle la plume acerbe qui le démolissait jour après jour. Il ne dit rien, taisant cette admiration étrange, que de toute façon elle n’aurait certainement pas apprécie. Un jour peut-être, il lui dirait que l’article de mai 82 avait été particulièrement profitable pour leur petites affaires et qu’une purge avait été menée efficacement grâce à ses articles caustiques. Sa haine aveugle, avait été un moyen privilégié de faire perdre la vie à tant de ses petits camarades. Mais ce genre de révélation, il fallait se les garder pour un instant particulier, pas les balancer au milieu de la rue pour sauver sa peau, ou en l’occurrence ses chatons.
Elle se mit à réfléchir et lui tourna le dos, alors il joua avec les deux chatons qui étaient dans son t-shirt. Ce n’était pas comme s’il pouvait faire quelque chose d’autre bloqué par le sortilège, mais il se dit que Bat Girl était bien idiote de tourner le dos à un sorcier qui aurait pu avoir une baguette. Avait-elle compris qu’il n’en avait pas sur lui ? Non, c’était impossible. Du moins il l’espérait, sinon il devrait craindre que la rumeur ne s’étende ce qui lui porterait préjudice. Il sourit innocemment, sauf qu’il avait été tellement coupable dans sa vie que son sourire avait quelque chose de carnassier malgré lui. Deux chatons voulait-elle. «
Greedy Bat Girl » sermona-t-il sur un ton d’accord. C’était le point de négociation qu’il espérait atteindre. Elle était d’une tendre naïveté. C’était réconfortant de voir qu’il y avait toujours des gens aussi crédules.
Il entendit le sort et senti ses jambes libres à nouveau, soulagé. Elle le menaçait encore de la pointe de sa baguette. Il voulut rire. Novice. Cela faisait vingt ans qu’il voyait des baguettes braqués sur lui. Cela faisait vingt ans qu’il les désarmait ces mains arrogantes qui osaient l’intimider. Vingt longues années. Qu’espérait-elle pouvoir faire ? Mais il se contint. Un sourire hautain et elle comprendrait qu’il préparait quelque chose. Non, il fallait se montrer humble. Incapable, faible. C’était ce que tout le monde attendait de lui de toute façon. Soit. Il lui restait ses muscles, sa force d’homme. Il se leva. Lentement, sans brusquerie. Pressant les dents, forçant sa mâchoire à rester close. L’observant toujours, ses yeux dans les siens. Lui non plus ne voulait pas se faire surprendre.
«
I know, I know. » répondit-il machinalement à son avertissement. Ce n’était pas elle qui allait lui apprendre comment ça se passait.
Une fois debout, il la dominait de sa taille. Dix centimètres de plus au moins. Patiemment il retira l’un des deux chatons de son t-shirt. Il le lui tendait de sa main gauche, tenant le dernier en place de sa main droite. Rien qu’une transaction tout à fait normale. Rien à cacher. Rien dans les manches. Il s’approcha d’un pas. Il le déposa dans la main tendue de la blonde sorcière. Rien d’autre.
Il perçut, il sentit le soulagement l’envahir. Il le lut dans ses yeux. Ce fut le signal fatidique.
Une main de libre pour lui. Deux d’occupées pour elle. Le calcul était vite fait. Très vite fait même. Il lui prit le poignet et baissa sa main avec une force inouïe. Il souriait, malicieusement.
En l’espace d’une seconde, il récupéra le chaton posé sur l’épaule d’Olivia et sécurisa celui qui était toujours accroché dans son t-shirt de la même main qu’il avait pris son frère. Il la poussa contre le mur. «
I told you one. Not two. Greedy Bat Girl. » Acculée, il secoua sa main contre le mur pour lui faire lâcher la baguette. Il était fort, il est dur dans ses geste, rude. Une fois qu’il entendit le ploc du bois sur le sol, il la poussa de son pied, l’envoyant le plus loin possible.
«
Now, greedy Bat Girl, I’m gonna let you free, but … ooooow… » ouch.